Un hôpital transfrontalier pour pallier le manque de soins médicaux dans les Pyrénées

L’Hôpital GECT de Cerdagne est le premier hôpital transfrontalier en Europe. Situé dans la municipalité de Puigcerdà (Catalogne, Espagne) à quelques mètres de la frontière française, il a pour but de fournir des services de santé des deux côtés de la frontière franco-espagnole dans une zone montagneuse où les habitants devaient auparavant conduire 1h30 pour atteindre l’hôpital le plus proche à Perpignan, en France.

En quoi est-ce une bonne pratique ?

Cerdagne est le premier hôpital qui accueille des citoyens des deux côtés de la frontière en tant que patients et personnel. L'expérience montre que la coopération peut permettre de surmonter les problèmes administratifs et améliorer la qualité de vie des gens. En 2016, l'hôpital de Cerdagne a remporté le prix « Construire une Europe sans frontières » lors de la réunion annuelle des Groupements Européens de Coopération Territoriale (GECT) qui s'est tenue au Comité européen des Régions.

Un hôpital commun pour un désert médical transfrontalier

Environ 33.000 personnes vivent à l’année dans la vallée de la Cerdagne, dans les Pyrénées – un chiffre qui peut être multiplié par quatre en hiver avec l’arrivée des touristes pendant la saison du ski. Le manque d’accès aux soins dans cette zone montagneuse a conduit en 2003 les Ministères de la Santé catalan et français à envisager la construction d’un hôpital transfrontalier et à formaliser la création du Groupement Européen de Coopération Territoriale – Hôpital de Cerdagne en 2010.

La vallée de la Cerdagne espagnole et la région française du Capcir, sont de véritables déserts médicaux avec très peu de services de santé accessibles pour la population locale, à l’exception des médecins de famille ruraux. Aujourd’hui, la zone de compétence de l’hôpital de Cerdagne s’étend sur 1340 km² et comprend 53 communes au total, dont 17 dans la vallée de la Cerdagne et 36 dans la région du Capcir. L’objectif de cet hôpital transfrontalier est d’optimiser la gestion des ressources catalanes et françaises afin d’améliorer les soins offerts aux communautés locales avec un modèle innovant : l’hôpital de Cerdagne offre une assistance médicale à toute sa population, basée non pas sur des frontières administratives mais sur des critères de proximité géographique. Un résident français n’a donc plus besoin de se rendre à l’hôpital de Perpignan et peut accéder aux soins médicaux du côté espagnol à Cerdagne.

L’hôpital transfrontalier offre en particulier des soins d’urgence et obstétriques, qui sont souvent les besoins les plus urgents mais ne pouvaient avant être pris en charge qu’à plus de 100km de là. Il dispose de 68 lits pour les patients en court séjour et est également équipé d’installations importantes telles qu’une IRM et un scanner, particulièrement utiles pendant la saison du ski.

Différentes langues, cultures et pratiques médicales

À la réception, le multilinguisme est obligatoire afin de communiquer avec les patients et le personnel en français, en espagnol et en catalan. La proportion d’espagnol dans le personnel est d’environ 60 %, et 40 % sont francophones. Le personnel soignant est donc affecté dans les différents services dans ces mêmes proportions afin d’assurer un équilibre des langues et, une particularité de l’hôpital de Cerdagne, les infirmiers travaillent toujours en binôme pour éviter tout problème linguistique.

À la pharmacie de l’hôpital, le nom international des molécules est utilisé. Bien sûr, les pratiques médicales peuvent varier d’un pays à l’autre, c’est pourquoi on prend davantage de précautions à Cerdagne. « Dans le domaine de la recherche, il y a une controverse sur le nombre d’échographies ou de tests de toxoplasmose à effectuer. En France, on fait une toxoplasmose supplémentaire, en Catalogne, on fait une échographie supplémentaire. Alors, à l’hôpital de Cerdagne, toutes les femmes passent une échographie et une toxoplasmose en plus », explique Enric Subirats, médecin espagnol.

Ressources et gouvernance partagées

L’hôpital a été construit entre 2003 et 2013 et a été officiellement ouvert en septembre 2014. Afin de promouvoir la coopération entre les pays de l’Union, l’UE, par le règlement (CE) n° 1082/2006, a créé le cadre juridique du Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT). Le GECT est donc devenu la seule structure adéquate pour mener à bien ce projet et le GECT Hôpital de Cerdagne a été créé en 2010 pour fixer les objectifs, la gouvernance et le financement de l’hôpital.

Depuis l’ouverture de l’hôpital, les coûts d’équipement et le budget annuel de fonctionnement sont cofinancés par la Catalogne (à 60 %) et la France (à 40 %). La gouvernance de l’hôpital repose sur son Conseil d’Administration, dont les membres viennent aussi des deux côtés de la frontière.

Toutefois, il demeure confronté à de nombreux obstacles dans son fonctionnement quotidien, par exemple en matière de contrats de travail ou d’assurance maladie du personnel. Des questions complexes liées à la présence de la frontière ont dû être traitées, comme celles des naissances (et de l’enregistrement des actes d’état civil) ou du rapatriement des corps de l’autre côté en cas de décès. Pourtant, l’hôpital de Cerdagne a progressivement surmonté ces barrières administratives et offre un véritable service de santé universel.