Restauration collective des terrasses de montagne

Dans les montagnes de Troodos à Chypre, l’agriculture est souvent rendue possible par la présence de terrasses. Pourtant, leur état se détériore en raison de l’abandon des terres et de la hausse des températures dans la région. Les communautés de montagne ont été associées à une initiative visant à restaurer les terrasses en pierre sèche du site ophiolitique de Troodos.

En quoi est-ce une bonne pratique ?

Par le biais d'ateliers mélangeant experts et citoyens et d'activités de restauration, le projet RE-CARE a permis d'autonomiser les populations de montagne, en contribuant au renforcement des capacités et à la formation technique des communautés avec le soutien d'acteurs extérieurs. Ce modèle de gouvernance a encouragé l'implication des habitants dans un problème territorial ayant des répercussions environnementales, sociales et économiques.

Érosion des terrasses agricoles de montagne

Dans les montagnes du Troodos, les communautés rurales ont créé des terrasses agricoles au fil des décennies pour cultiver les terres environnantes. Les raisins de cuve, les amandes et les céréales comme l’orge sont les principales cultures en terrasse.  Le complexe ophiolitique de Troodos couvre 2 332 km² (dont 40 % dans la République de Chypre), compte environ 50 000 habitants et est composé de terrasses en pierre sèche.

Au cours des trois dernières décennies, la population des communautés de montagne a diminué de plus de moitié, tandis que la population des piémonts et des zones en aval est restée relativement constante. Par conséquent, de nombreuses terrasses de montagne ne sont plus cultivées et leur abandon entraîne des dommages – 20 % des terres ont été abandonnées depuis 2000. Les murs des terrasses ne sont pas gérés et peuvent provoquer des effets domino s’ils s’effondrent. Outre l’érosion des sols, la région a été confrontée au reboisement de terres sèches, ce qui a entraîné une augmentation des risques de feux de forêt. Ces incendies affaiblissent les sols, les rendant encore plus vulnérables à l’érosion, ce qui entraîne un cercle vicieux de dégradation générale des terres agricoles.

Participation des communautés de montagne

Dans le cadre du projet Horizon 2020 RE-CARE financé par l’UE (2013-2018), les communautés montagnardes de Polystypos, Alona et Platanistasa ont été impliquées dans la restauration de ces terrasses en pierre sèche. Le projet a opté pour une gouvernance mixte et une participation citoyenne pour définir et mettre en œuvre une stratégie de restauration. Au total, 160 personnes ont été associées à la réflexion et au processus de décision, notamment : les départements de l’agriculture et des forêts, l’Organisation Chypriote de Paiement Agricole, les communautés locales de montagne (à travers les conseils municipaux), les propriétaires fonciers, les écoles locales et les organisations de jeunesse.

Grâce à des ateliers réunissant les parties prenantes et les experts concernés, les communautés de montagne ont identifié 15 solutions pour la restauration des terrasses agricoles. Ces solutions comprennent des mesures « douces », telles que des activités de sensibilisation, et des mesures plus structurelles impliquant la construction de routes ou la résolution de problèmes d’infrastructures.

Un total de 6 événements d’entretien des terrasses a également été organisé entre 2015 et 2017 dans la région de Pitsilia, dans les montagnes de Troodos. Ces événements ont rassemblé des communautés de montagne, des experts des terres agricoles, des autorités locales et ont permis de redonner du pouvoir aux populations locales dans la gestion des terrasses de montagne. Les principaux groupes ciblés par ces actions de renforcement des capacités étaient les agriculteurs de montagne, les propriétaires fonciers et les citoyens.

Résultats des activités de restauration

Dans le cadre du projet, une expérimentation a également été menée dans un vignoble en terrasses à Alona (1300 mètres d’altitude) pour suivre l’érosion des terrasses dégradées et de celles qui sont entretenues. Sur la base de mesures effectuées sur deux ans (décembre 2015 – novembre 2017), l’érosion des terrasses réhabilitées était 3,8 fois moins importante que celle des sections de terrasses qui s’effondraient.

La construction et l’entretien des terrasses exigent beaucoup de travail et a un coût, mais sont efficaces à long terme pour prévenir l’érosion des sols. En outre, elles sont essentielles à la préservation de l’agriculture de montagne dans la région et contribuent à améliorer les rendements, les agriculteurs estimant que les rendements des cultures peuvent être jusqu’à 20 % plus élevés sur des terrasses bien gérées.

Comme l’ont réaffirmé les communautés locales au cours du processus de restauration, les terrasses agricoles font partie du paysage de montagne régional ; leur maintien peut donc également contribuer à préserver les moyens de subsistance, le patrimoine culturel et l’attrait de la montagne.

© RECARE