Eoliennes et conservation des loups au Portugal : un système de compensation innovant
Plusieurs sociétés d’énergie renouvelable au Portugal se sont unies pour créer l’Association ibérique de conservation de l’habitat du loup (ACHLI), qui vise à mettre en pratique des activités de conservation qui compensent l’impact environnemental des parcs éoliens.
Quel est le lien entre les parcs éoliens et les loups ?
La plupart des parcs éoliens du Portugal sont situés dans des zones montagneuses isolées, qui constituent le principal habitat du loup ibérique. Habitant les territoires fragmentés des régions montagneuses du nord du Portugal, ces loups sont considérés comme des espèces prioritaires au sens de la directive Habitats. Selon la loi portugaise sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE), les nouvelles infrastructures (comme les parcs éoliens) doivent faire une telle évaluation dans certaines circonstances, par exemple lorsqu’elles sont projetées sur le territoire des loups. L’étude d’EIE sert à évaluer s’il existe des impacts négatifs sur le loup. Si l’espèce est affectée négativement, des mesures d’atténuation et/ou de compensation doivent être présentées pour que le projet soit approuvé.
D’après les recherches de l’EIE, il est devenu clair qu’environ un tiers de tous les loups portugais partagent leur territoire avec des parcs éoliens. Le loup et ses proies sont affectés par les modifications d’habitat (comme la perte en surface ou la fragmentation) et par les perturbations liées à l’activité éolienne.
Afin d’équilibrer les impacts environnementaux, plusieurs sociétés d’énergie renouvelable ont créé en 2006 l’association à but non lucratif ACHLI. ACHLI gère le Fonds de conservation de l’habitat du loup ibérique, avec des contributions financières provenant des membres qui doivent mettre en place des mesures compensatoires. Le Fonds, qui repose exclusivement sur des financements privés, a pour seul objectif de soutenir des projets liés à la conservation et à la gestion du loup ibérique et de son habitat.
Activités menées en faveur de la conservation de l’habitat du loup
Diverses activités sont menées en collaboration avec de nombreux acteurs différents, comme les autorités forestières nationales, les universités, les organismes de recherche et de conservation, les autorités locales, les agriculteurs, les propriétaires de parcs éoliens et les associations locales de chasseurs. Il y a deux zones d’intervention : le Sud du Douro et l’Alto Minho. L’ACHLI a travaillé sur divers projets, dont ceux détaillés ci-dessous.
Gestion des forêts
Le projet d’aménagement forestier couvre environ 700 hectares de superficie forestière. L’objectif est de reboiser, d’améliorer et de conserver des zones forestières adaptées aux conditions écologiques de la région. Les mosaïques écologiques offrent refuge et nourriture au loup et aux ongulés sauvages dont il se nourrit (chevreuil, sanglier et cerf rouge). De plus, l’aménagement forestier favorise la biodiversité, préserve les espèces indigènes, élimine les espèces invasives, lutte contre l’érosion et contribue à la réduction des feux de forêt.
Gestion de la prédation sur le bétail
Le loup se nourrit principalement d’ongulés sauvages. Lorsque les proies sauvages sont rares, le loup se tourne vers d’autres sources de nourriture disponibles, comme les vaches, chevaux, moutons et chèvres. Afin de réduire les impacts sur le bétail et les conflits associés, il existe trois activités complémentaires :
- Programme Cão de Gado (développé par l’ONG Grupo Lobo) a été créé pour réduire les attaques de loups contre l’élevage grâce à l’utilisation de chiens de garde du bétail. Depuis 2014, l’ACHLI a financé la distribution de 47 chiens de garde du bétail. Le suivi de la coexistence homme-loup montre que la déprédation du bétail par le loup s’est réduite.
- Programme de réintroduction du chevreuil pour former des populations stables et fournir ainsi une source de nourriture durable pour le loup. Depuis 2013, 102 chevreuils ont été réintroduits dans deux sites de réintroduction. Les résultats préliminaires ont montré des signes de déprédation du loup sur chevreuils.
- Création de zones de chasse restreintes, qui offrent un refuge aux espèces proies car elles peuvent y vivre sans être perturbées par les activités de chasse. La création de ces zones se fait en collaboration avec les associations de chasseurs. Actuellement, il y a deux zones de chasse interdite, couvrant une superficie totale de 2 323 hectares.
Sensibilisation du public
L’acceptation et la collaboration des communautés locales sont essentielles au succès des actions de conservation du loup. Ainsi, les activités de sensibilisation visent à minimiser les conflits entre les hommes et les loups par l’information (sur des aspects comme le rôle écologique du loup) et l’échange d’expériences avec les habitants locaux.
Plans de suivi des loups
Il est important d’évaluer si tous ces projets contribuent positivement à la conservation du loup et de son habitat. C’est pourquoi ACHLI a établi deux plans de surveillance des loups : un pour le sud du Douro et un autre pour l’Alto Minho, avec la collaboration des universités de Porto et d’Aveiro.
Conclusion
Bénéficiant de l’obligation légale de prendre des mesures compensatoires pour contrebalancer l’impact environnemental occasionné par les parcs éoliens, ACHLI lie la production d’énergie renouvelable à la conservation du loup. Les différents projets sont complémentaires les uns des autres et, grâce à leur viabilité financière, il est possible de se concentrer sur les résultats de conservation à long terme. La clé du succès d’ACHLI est la participation de la communauté tout au long du processus.
Cette bonne pratique peut être transférée à d’autres zones de montagne avec un cadre compensatoire similaire pour les impacts environnementaux occasionnés par des infrastructures comme les parcs éoliens. En effet, la structure de financement privé est un catalyseur de ce système de compensation, dont les facteurs de succès comprennent un système de conservation intégré et des campagnes de communication inclusives.