Compensation et valorisation sur le marché des services écosystémiques fournis par les éleveurs de Haute-Autriche

L’agriculture de montagne procure de nombreux services écosystémiques qui, en dehors de la production alimentaire, sont rarement ou insuffisamment rémunérés. Face aux défis auxquels est confrontée l’agriculture de montagne, un groupe opérationnel autrichien a étudié les manières de rémunérer ces services écosystémiques, offrant ainsi des possibilités d’augmenter les revenus des agriculteurs tout en promouvant des pratiques agricoles durables.

En quoi est-ce une bonne pratique ?

Ce groupe opérationnel s'est directement attaqué aux problèmes de revenus rencontrés par les agriculteurs de montagne, en développant des méthodes pour quantifier et valoriser les services rendus par les écosystèmes. Ce faisant, le projet a mis en évidence les avantages plus larges que l'agriculture et l'élevage de montagne apportent aux écosystèmes et à la société, en particulier dans le contexte de la crise actuelle des revenus agricoles et de la demande croissante de durabilité environnementale.

Outre les services d’approvisionnement, des services écosystémiques non rémunérés

La région du parc national de Kalkapen se caractérise par une agriculture de montagne extensive, qui repose sur les prairies et l’élevage bovin. Toutefois, au cours des dernières décennies, l’agriculture de montagne a été confrontée à des difficultés liées aux coûts élevés de la culture des prairies ainsi qu’à des tendances plus générales dans le secteur agricole, telles que la diminution de l’utilisation des prairies, la raréfaction de la main-d’œuvre agricole, la fluctuation des prix du marché du lait et de la viande bovine et la dépendance croissante à l’égard des aides publiques, notamment dans le cadre de la Politique Agricole Commune. Ces changements soulignent la nécessité d’augmenter et de diversifier les revenus agricoles, notamment en compensant les services écosystémiques fournis par les éleveurs.

Les services écosystémiques sont généralement définis comme des aspects des écosystèmes qui profitent aux sociétés humaines, que ce soit de manière active ou passive. Il peut s’agir de services d’approvisionnement, comme la production alimentaire, ou de services de régulation, comme la purification de l’eau et la prévention des incendies, ainsi que de services culturels, comme la préservation des paysages qui favorisent à la fois les écosystèmes et le tourisme. Le pastoralisme est reconnu comme un important pourvoyeur de services écosystémiques. Si les services d’approvisionnement sont compensés par l’achat de denrées alimentaires, les autres services ne sont souvent ni quantifiés ni rémunérés.

Quantifier les services écosystémiques générés par les agriculteurs du parc de Kalkapen

Le groupe opérationnel « Mehrwert Berglandwirtschaft » (agriculture de montagne à valeur ajoutée) a été créé en 2022 pour définir, quantifier et évaluer les services écosystémiques générés par les agriculteurs de montagne dans la région du parc national de Kalkapen. Dans cette région, 50 % des exploitations ont entre 0,5 et 1,5 unité de bétail par hectare et sont classées entre 80 et 190 points de difficulté dans le régime autrichien de compensation pour l’agriculture de montagne.

Les agriculteurs et les chercheurs ont collaboré pour identifier les services écosystémiques ayant une valeur particulière dans les hautes Alpes calcaires d’Autriche. Au total, 5 indicateurs régionaux et 34 indicateurs au niveau de l’exploitation ont été sélectionnés pour être étudiés, notamment les races bovines rares et le pourcentage de prairies permanentes. Le groupe opérationnel a ensuite travaillé à la quantification de ces services, en impliquant 29 fermes pilotes afin de comparer la fourniture de services écosystémiques des fermes de montagne aux références régionales et aux fermes situées hors des montagnes. Cela a permis de mesurer la valeur ajoutée au niveau de l’exploitation.

Des solutions concrètes pour valoriser et rémunérer les services écosystémiques sur le marché

Afin de mieux rémunérer les agriculteurs de montagne, le projet a permis de quantifier les services écosystémiques fournis par les éleveurs de montagne en Haute-Autriche et les coûts de fourniture associés, mais aussi d’identifier des solutions intéressantes pour rémunérer ces services. Les solutions potentielles basées sur le marché comprennent :

  • Impliquer les consommateurs : par la vente directe, l’agriculture soutenue par la communauté (comme les AMAP en France) ou le crowd farming. Ces modèles sont considérés comme efficaces car ils permettent aux consommateurs d’entrer directement en contact avec les producteurs, de se responsabiliser dans leurs choix alimentaires et d’être sensibilisés aux bénéfices des différentes pratiques agricoles. Ces modèles réduisent le nombre d’intermédiaires et permettent aux agriculteurs de mieux contrôler les volumes de production, ce qui a des retombées directes sur les revenus. Cependant, ils exposent davantage les agriculteurs et créent des attentes plus fortes de la part des consommateurs, qui peuvent être exigeants.
  • Valoriser les services écosystémiques sur l’emballage : les labels de qualité (labels régionaux, certifications d’origine, labels spécifiques à un parc ou à une marque) et les informations volontaires sur les pratiques agricoles peuvent contribuer à augmenter la valeur perçue des produits et à justifier les prix. Si cette approche présente des avantages, elle introduit également des charges administratives supplémentaires, telles que les coûts de certification et de mise en conformité. Il convient également d’être prudent en ce qui concerne les informations volontaires afin d’éviter le greenwashing et d’induire les consommateurs en erreur, en particulier à la lumière des réglementations à venir telles que la directive de l’UE sur les revendications environnementales.
  • Introduire des paiements basés sur les résultats : en liant la provision de services écosystémiques à des indicateurs spécifiques (tels que le nombre de races de bétail traditionnelles ou les populations d’insectes), les agriculteurs pourraient être directement indemnisés pour les résultats tangibles de leurs pratiques agricoles. Cette méthode est particulièrement adaptée aux services de régulation et aux bienfaits pour la biodiversité. Toutefois, elle nécessite une mesure et une homologation précises du service rendu, ainsi qu’une évaluation des risques pour les agriculteurs.

Plus largement, les travaux du groupe opérationnel ont permis de montrer que les coûts de production augmentent considérablement à mesure que la pente progresse et que les paiements de la PAC pour les agriculteurs de montagne (l’ICHN) ne compensent que partiellement cette perte de productivité (en Europe, on estime que la productivité en montagne est inférieure d’environ 40 % à celle des plaines et que le revenu des agriculteurs de montagne est inférieur de 20 %). Le groupe a donc permis de mettre en évidence les difficultés économiques spécifiques aux zones de montagne et de trouver des solutions potentielles pour augmenter le revenu des agriculteurs.