GORTA : quand l’innovation sociale aide à revitaliser des terres abandonnées

L’abandon des terres agricoles dans la vallée de la Rioja, en Espagne, est un problème croissant qui a des conséquences sur l’attractivité et la compétitivité de la région, mais aussi sur le maintien des paysages et de la biodiversité locale. Par le biais de l’innovation sociale, le Groupe Opérationnel GORTA cherche à trouver de nouveaux modèles pour l’exploitation des parcelles de noyers abandonnées.

En quoi est-ce une bonne pratique ?

L'abandon et la reprise des terres par les nouvelles générations est une préoccupation commune dans les zones de montagne éloignées et difficiles d'accès. Les solutions existantes en matière d'abandon et d'accès aux terres ne sont pas forcément reproductibles dans toutes les régions, en raison d'obstacles juridiques, financiers ou culturels. L'approche d'innovation sociale du Groupe Opérationnel GORTA a démontré que le dialogue entre les parties prenantes peut aider à surmonter ces obstacles en créant de nouveaux modèles d'utilisation des terres adaptés à chaque exploitation.

Ampleur et conséquences de l’abandon des terres agricoles

L’abandon des terres est un défi en Espagne, où un million d’hectares de terres arables étaient concernés par l’abandon en 2017, selon une enquête menée par le Ministère national de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation et de l’Environnement. La vallée de la Rioja, dans le nord de l’Espagne, ne fait pas exception. Pour le seul secteur de la culture des noix, le Département de l’Agriculture de la Communauté Autonome de La Rioja a signalé en 2017 que 32 hectares de terres (117 parcelles) étaient semi-abandonnés et 19 hectares (93 parcelles) étaient totalement abandonnés.

Dans la vallée de La Rioja, l’abandon des terres est motivé par différents facteurs, notamment la difficulté d’accès aux zones agricoles, qui sont souvent isolées et situées sur des pentes abruptes. En outre, la région est confrontée à un changement démographique global avec un vieillissement de la population, un manque de renouvellement des générations, y compris dans le secteur agricole, et un dépeuplement.

Les conséquences de l’abandon des terres sont également diverses et entraînent un cercle vicieux de perte de productivité et d’attractivité. D’un point de vue économique, l’abandon des terres sur une longue période réduit la qualité de la production et le manque de rénovation ou de modernisation des infrastructures rend les exploitations obsolètes. Le mauvais état des exploitations réduit de facto l’attrait des terres agricoles pour les jeunes agriculteurs qui souhaitent se lancer dans la culture. De plus, d’un point de vue environnemental, l’abandon des parcelles entraîne la propagation d’espèces invasives et la croissance d’arbustes, augmentant ainsi le risque d’incendies avec des impacts pour la biodiversité et les paysages.

L’innovation sociale comme approche contre l’abandon des terres

Dans la vallée de la Rioja, le projet GORTA (Grupo Operativo de innovación para la recuperación de tierras abandonadas – Groupe Opérationnel d’Innovation pour la récupération des terres abandonnées) s’efforce de trouver une solution adaptée au territoire pour faire face à l’abandon des terres.

Des solutions déjà explorées ailleurs ne peuvent pas être appliquées efficacement dans la vallée de la Rioja, comme les banques de terres, qui permettent aux jeunes agriculteurs de louer des parcelles à des agriculteurs ou à des propriétaires qui ne cultivent plus. D’une part, ces solutions sont souvent trop coûteuses pour les jeunes agriculteurs. D’autre part, elles impliquent un transfert légal de la propriété foncière, ce que de nombreux propriétaires refusent malgré leur volonté d’arrêter la production sur leurs terrains, souvent pour des raisons sentimentales. Les associations de producteurs locaux ont par exemple reçu des demandes de soutien de la part de propriétaires qui n’étaient pas en mesure de gérer leurs parcelles mais qui ne voulaient pas non plus renoncer à la propriété foncière.

Pour surmonter ce défi spécifique, le projet GORTA a choisi une approche d’innovation sociale. L’idée générale du projet est de proposer un nouveau modèle économique pour ces exploitations, afin d’éviter l’abandon des terres tout en ne transférant pas leur propriété. Le projet a commencé par quantifier les parcelles abandonnées ou semi-abandonnées dans la région. Les partenaires ont ensuite déployé des efforts de communication en organisant des ateliers dans différentes municipalités pour informer les agriculteurs, les propriétaires fonciers, les communautés et les décideurs politiques sur les solutions potentielles. Des études de faisabilité ont été menées avec des cabinets de conseil agricole pour analyser les conditions d’utilisation de ces terres abandonnées et les propriétaires fonciers ont été mis en relation avec de jeunes agriculteurs à la recherche de parcelles à cultiver.

GORTA utilise le dialogue pour trouver des solutions adaptées à chaque propriétaire terrien et qui aboutissent à une situation gagnant-gagnant, qu’il s’agisse de l’accès à la terre pour les jeunes agriculteurs ou de la lutte contre l’abandon des terres. Jusqu’à présent, le projet GORTA a réussi à trouver des accords entre cédants et repreneurs de terres sur 12 parcelles de noyers. Les parcelles n’ont jamais été vendues, et différentes approches ont été utilisées. Dans certains cas, les propriétaires ont décidé d’opter finalement pour un bail classique, d’autres ont choisi un modèle où ils n’accordent qu’une autorisation de cultiver, et d’autres encore ont laissé la terre être cultivée sans loyer en échange d’un pourcentage du bénéfice de la production.

Le dialogue entre les différents acteurs impliqués a permis la réhabilitation de ces 12 parcelles par la mise en culture et a aidé les nouveaux entrants à trouver des terres. A long terme, le projet GORTA espère étendre le dialogue pour permettre la réhabilitation d’autres parcelles abandonnées, créant ainsi un cercle vertueux pour l’attractivité et la compétitivité agricole de la région.