Maintenir les paysages ouverts pour préserver la biodiversité de montagne
Les prairies de montagne du sud de l’Europe font face à une perte de biodiversité en raison de la fermeture des paysages. L’exode rural et l’abandon des terres agricoles conduisent au reboisement progressif de ces prairies et entrainent une augmentation du risque incendie, qui se traduit par une dégradation des habitats et espèces propres à ces régions. Dans le nord du Portugal, des actions combinées de pâturage et débroussaillage ciblés sont mises en œuvre pour réduire ces risques et préserver la biodiversité de montagne.
Fermeture des paysages et perte de biodiversité
L’abandon progressif des terres agricoles et des pâturages depuis la seconde moitié du 20ème siècle ont entrainé un reboisement progressif dans le nord du Portugal. La fermeture des paysages entraine une augmentation du risque incendie qui met en danger les espèces et habitats de ces prairies. Au cours des 36 dernières années, le Portugal a été le seul pays d’Europe du Sud à ne pas pouvoir réduire de manière significative la superficie de terres affectée par les incendies.
Dans la région de Bragança, le sous-pâturage ne permet pas de maintenir la charge combustible à un faible niveau afin de maintenir des paysages ouverts et moins vulnérables aux incendies. Face au risque incendie, dans une région où beaucoup de départs de feux sont aussi dus à l’inattention humaine mais aussi où le risque augmente avec le changement climatique, les autorités souhaitent mieux contrôler la biomasse combustible pour préserver la biodiversité.
Pâturage et désherbage ciblés
Dans la municipalité de Mirandela, située dans Terra Quente Transmontana dans la région de Bragança, une parcelle de 4.3 ha est dédiée à une expérimentation pour étudier des méthodes efficaces de gestion des combustibles. Sur ce terrain sont combinées des pratiques de pâturage ciblé et de débroussaillage mécanique afin de maintenir les paysages ouverts, réduire le risque incendie et ainsi diminuer la perte de biodiversité qui est associée aux feux.
Le site pilote est divisé en trois parcelles, sur lesquelles différentes pratiques sont appliquées pour comparer leur efficacité dans la gestion des combustibles et la réduction conséquente du risque d’incendie. Le dispositif est composé :
- D’une parcelle pâturée sans nettoyage mécanique d’environ 906 m²
- D’une parcelle de 400m² sur laquelle est uniquement pratiquée le débroussaillage mécanisme
- D’une parcelle de 41.940m² sur laquelle sont combinés pâturage ciblé et débroussaillage mécanique
Sur la zone expérimentale, une bande témoin de 10×40 m² a été maintenue vierge afin de pouvoir comparer l’évolution de la végétation et analyser l’efficacité de l’expérimentation.
Un troupeau d’environ 190 moutons pâture sur les deux parcelles concernées sur le site pilote. Les bêtes, élevées pour leur viande, sont issues de la race locale « Churra Galega Bragançana » qui particulièrement adaptée au territoire. Le maintien de cette race dans la région a d’ailleurs été soutenu par le FEADER pendant la période 2014-2020, sous la rubrique « Maintien des races autochtones en péril » (la race compte 12.578 animaux chez 1242 éleveurs). L’alimentation de cette race locale repose majoritairement sur le pâturage, de 9 à 10 heures par jour, qui peut être complété par un apport fourrager si l’herbe devient insuffisante. Dans le cadre de l’expérimentation, le troupeau pâture sur la parcelle pilote au printemps et à l’automne, jusqu’à l’épuisement des ressources fourragères du terrain. Le suivi GPS des moutons est utilisé afin de mesurer le nombre d’heures et de jours de pâture sur la parcelle.
En plus du pâturage ciblé, le débroussaillage mécanique est pratiqué sur deux parcelles depuis mai 2019. L’expérimentation devait également inclure des pratiques de brûlage dirigé, mais les conditions météorologiques n’ont pas permis de le mettre en place. L’utilisation du feu pour aider au renouvellement des pâturages et à la gestion de la biomasse est une pratique traditionnelle régie au Portugal par le décret-loi n ° 14/2019. Ce cadre juridique fixe que le brûlage ne peut être effectué qu’après le dépôt d’une demande et l’autorisation de la municipalité concernée. La demande est analysée en prenant compte des conditions météorologiques et de la gestion opérationnelle de l’action (le décret-loi requiert la présence d’un technicien accrédité ou d’une équipe de pompiers ou de forestiers). A la suite de décret-loi, une plateforme en ligne pour le brûlage extensive a aussi été créé sous la gestion de l’Institut de la Conservation de la Nature et de la Foresterie.
Le Département de l’environnement et des ressources naturelles de l’École d’agriculture de l’Institut polytechnique de Bragança est actuellement en train de comparer et évaluer les différentes techniques utilisées sur la zone expérimentale. Il apparait que la végétation et les arbustes ont poussé sur toutes les parcelles, mais à des vitesses différentes. Il semblerait que la méthode la plus efficace pour limiter la couverture végétation et le risque incendie serait la combinaison du pâturage et du débroussaillage mécanique ; il s’agit de conclusions préliminaires qui seront développées dans un rapport complet.
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