La Cour des comptes européenne souligne les lacunes dans l’adaptation au changement climatique en montagne

La Cour des comptes européenne souligne les lacunes dans l’adaptation au changement climatique en montagne

La Cour des comptes européenne a récemment publié un rapport sur les efforts d’adaptation de l’UE au changement climatique, en mettant l’accent sur les défis particuliers auxquels sont confrontées les zones de montagne. Le rapport conclut que, malgré les efforts politiques et budgétaires importants déployés au cours de la dernière décennie, des lacunes et des incohérences significatives dans la mise en œuvre au niveau local entravent l’adaptation et, dans certains cas, conduisent même à une maladaptation.

Des progrès au niveau européen mais des lacunes sur le terrain

Le rapport passe en revue le cadre d’adaptation climatique de l’UE, notamment la stratégie de l’UE pour l’adaptation au changement climatique (2021) et la loi climat de l’UE, ainsi que les efforts de mise en œuvre déployés dans quatre États membres : Autriche, Estonie, France et Pologne. La Cour note que, depuis l’adoption de la première stratégie européenne d’adaptation en 2013, l’UE a établi un socle légal solide et consacré un financement significatif à l’adaptation, avec un montant estimé à 8 milliards d’euros pour 2014-2020 et à 26 milliards d’euros pour 2021-2027.

Toutefois, l’analyse par la Cour des plans d’adaptation dans ces États membres a révélé des lacunes importantes dans la mise en œuvre. En particulier, certains plans nationaux ne prennent pas pleinement en compte les projections climatiques à horizon 2100. Par exemple, le plan de l’Autriche utilise des données de 2014 pour estimer ses besoins d’adaptation dans son plan national d’adaptation 2024, et en Pologne, il n’est pas certain que les augmentations futures de température d’ici à 2100 soient prises en compte. Dans d’autres cas, selon le rapport, les mesures mises en œuvre conduisent même à une maladaptation.

Le rapport met également en évidence une méconnaissance générale des outils européens existants et une coordination limitée entre les différents niveaux de gouvernance, ce qui se traduit par des efforts redondants ou incohérents.

Les mesures d’adaptation en montagne passées au crible

Les auditeurs ont examiné de près les efforts d’adaptation dans les domaines vulnérables, notamment la pénurie d’eau, les inondations, l’érosion côtière, les écosystèmes de montagne et la gestion des forêts. Dans les zones de montagne, les auditeurs ont constaté que, si les stratégies nationales s’alignent généralement sur les objectifs d’adaptation de l’UE, la mise en œuvre laisse souvent à désirer. Parmi les évolutions prometteuses, on peut citer la reconnaissance croissante de la nécessité de diversifier le tourisme et les initiatives nationales encourageantes, telles que la nouvelle loi française sur le climat, qui exige que chaque massif montagneux élabore sa propre stratégie d’adaptation.

Toutefois, en examinant la mise en œuvre, les auditeurs ont constaté plusieurs lacunes ou objectifs contradictoires, en particulier en ce qui concerne la gestion des stations de ski. Rappelant qu’un réchauffement planétaire de quatre degrés au-dessus des niveaux préindustriels entraînerait un risque très élevé de déficit d’enneigement dans la quasi-totalité des stations de ski, la Cour s’interroge sur le recours fréquent à des mesures techniques telles que l’enneigement artificiel par les professionnels du tourisme. En Autriche, environ 70 % des pistes de ski sont équipées de systèmes d’enneigement, selon la Cour – un cas qui a été analysé plus en détail dans notre rapport 2024 « Changement climatique en montagne : relever le défi de l’adaptation dans la gestion de l’eau et du tourisme ».

Selon la Cour, ces solutions ne constituent pas une voie vers l’adaptation au changement climatique, mais conduisent au contraire à la maladaptation. Pourtant, certains projets européens ont bénéficié d’un financement de l’UE pour l’installation de canons à neige plus économes en énergie. Selon les auditeurs, une question cruciale pour l’adaptation en montagne, mais aussi ailleurs, est celle des exigences contradictoires entre l’adaptation et le développement territorial ou la compétitivité. En ce qui concerne le secteur du ski, par exemple, le financement de l’UE pour des canons à neige économes en énergie a été affecté dans le cadre des programmes opérationnels de promotion de la compétitivité.

Financement de l’adaptation : où va le budget européen ?

Cour des comptes oblige, le rapport accorde une grande attention à la manière dont les fonds européens sont alloués à l’adaptation au changement climatique, en particulier dans le cadre de la Politique de Cohésion. Une grande partie du financement de l’adaptation est alloué via cette politique, avec des contributions additionnelles de la Politique Agricole Commune, du programme LIFE pour l’environnement et l’action climatique, d’Horizon 2020 et maintenant d’Horizon Europe, ces deux derniers finançant nos projets FIRE-RES et MountResilience.

L’importance de la Politique de Cohésion dans le financement de l’adaptation en région est un point capital de ce rapport, car le double rôle de la politique régionale présente à la fois des défis et des opportunités. D’un côté, son objectif de soutien au développement économique régional entre parfois en conflit avec les impératifs d’adaptation au changement climatique, ce qui se traduit par des projets qui, malencontreusement, encouragent la maladaptation. De l’autre, cette politique peut contribuer à promouvoir des stratégies d’adaptation locales adaptées aux défis spécifiques des montagnes.

Source: European Court of Auditors report 'Climate adaptation in the EU Action not keeping up with ambition'

Recommandations pour une meilleure adaptation

Les auditeurs européens ont formulé plusieurs recommandations visant à renforcer les politiques européennes d’adaptation et le financement de l’action climatique :

  • Améliorer le reporting sur l’adaptation au changement climatique, le reporting actuel des États membres étant trop faible et trop vague.
  • Mieux utiliser les outils européens, tels que la plateforme CLIMATE-ADAPT, en les rendant disponibles dans toutes les langues de l’UE et en les faisant mieux connaître.
  • Fournir de meilleures orientations sur les actions relatives à l’adaptation au climat et fournir aux États membres des exemples de projets conduisant à la maladaptation.
  • Assurer la pérennité du financement de l’UE pour l’adaptation au climat, y compris dans les politiques de l’UE telles que la Politique Agricole Commune, mais aussi dans les programmes de l’UE, par exemple en évaluant le besoin de conditions d’éligibilité pour les futurs projets subventionnés par l’UE qui prennent en compte les conditions climatiques futures.

Euromontana soutient également cette proposition – notre position sur la stratégie européenne d’adaptation 2021 soulignait déjà la nécessité d’aligner la PAC et la Politique de Cohésion sur la politique climatique afin d’assurer une meilleure coordination des politiques et des financements. Euromontana travaille actuellement avec ses membres sur un meilleur alignement de la Politique de Cohésion, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de l’eau et les investissements pour le tourisme.

Toujours en matière de financement, les participants des 13èmes Assises Européennes de la Montagne ont proposé la création d’un « Fond de Transition Juste pour la Montagne » comme outil pour faciliter la transition des territoires où le tourisme d’hiver représente une part importante du PIB local. En soutenant la transition de l’économie locale et des emplois associés tout en favorisant l’adaptation, un tel mécanisme aiderait à surmonter les conflits entre l’adaptation au changement climatique et le développement économique. Le Comité européen des régions soutient également un fonds de transition élargi. Cette proposition sera développée dans la Déclaration de Puigcerdà, qui sera présentée le11  décembre.

Nous saluons donc ce rapport de la Cour des comptes, qui met en évidence les vulnérabilités particulières des territoires de montagne face au changement climatique et appelle à des mesures politiques et financières plus fortes pour soutenir l’adaptation. Cependant, comme le souligne le 6ème rapport du GIEC, l’agriculture et le tourisme ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Des efforts supplémentaires sont nécessaires dans d’autres secteurs économiques et de la part d’acteurs privés pour que les zones de montagne puissent s’adapter efficacement à l’évolution du climat.